L’Ukraine veut intégrer le Bitcoin à ses réserves nationales : un tournant historique ?

Un amendement stratégique porté par des députés pro-innovation

Le projet émane du député Yaroslav Zhelezniak, déjà connu pour ses positions pro-crypto. Soutenu par sept autres députés, il propose une modification de la Loi sur la Banque nationale d’Ukraine, afin de permettre à cette dernière de diversifier ses réserves de change.

Aujourd’hui, les banques centrales conservent principalement leurs réserves sous forme de devises fortes (USD, EUR), d’or ou d’obligations souveraines. Ce projet introduirait la possibilité de stocker aussi des cryptomonnaies, un acte encore rarissime à l’échelle mondiale.

Zhelezniak a justifié cette décision comme une réponse aux évolutions structurelles de l’économie mondiale :

« Ce projet ancre l’Ukraine dans la dynamique de l’innovation financière mondiale. Il pourrait renforcer notre stabilité macroéconomique et ouvrir la voie à une croissance numérique accélérée. »

Une liberté totale laissée à la Banque nationale

Ce texte n’impose pas l’achat de cryptomonnaies, mais donne le droit légal à la Banque nationale d’en inclure dans ses réserves si elle le juge pertinent. Autrement dit, l’exécutif monétaire conserve une marge totale de manœuvre pour évaluer les conditions économiques, géopolitiques et technologiques avant toute décision d’allocation.

Cette souplesse est stratégique : elle évite toute pression immédiate tout en ouvrant officiellement la porte à un changement d’échelle dans la gestion des réserves ukrainiennes.

Un contexte international favorable à l’intégration du Bitcoin dans les réserves d’État

L’Ukraine n’est pas un cas isolé. Plusieurs États expérimentent ou envisagent l’intégration d’actifs numériques dans leur bilan national :

• El Salvador détient déjà du Bitcoin dans ses réserves.

• La Suisse explore l’émission de stablecoins adossés à sa monnaie nationale.

• Le Kirghizistan, Taiwan et le Brésil ont lancé des travaux législatifs similaires.

• Les États-Unis, via certaines propositions de think tanks, évoquent l’échange d’or contre des Bitcoins pour sécuriser leur position dans l’économie numérique mondiale.

Ces démarches traduisent une prise de conscience croissante : les actifs numériques pourraient jouer un rôle complémentaire aux instruments traditionnels de politique monétaire, notamment en période de forte inflation ou de sanctions économiques.

Binance soutient le projet ukrainien

Kirill Khomyakov, responsable régional de Binance pour l’Europe centrale et orientale, s’est exprimé favorablement à cette proposition. Il a été consulté par Zhelezniak et estime que ce cadre pourrait clarifier la régulation du secteur crypto en Ukraine.

D’après lui, cette loi pousserait le gouvernement à définir une politique cohérente, publique et lisible sur les actifs numériques. Une régulation claire pourrait attirer des investisseurs étrangers, des startups Web3 et renforcer l’écosystème local.

Ukraine, première nation européenne à faire le pari d’un Bitcoin souverain ?

Si le projet est adopté par la Verkhovna Rada, l’Ukraine deviendra le premier pays européen à constituer des réserves d’État en cryptomonnaies. Cela placerait le pays comme précurseur dans un domaine où l’Union européenne reste prudente, voire fragmentée.

L’impact pourrait être double :

• Économique : diversification des actifs de réserve et meilleure résilience face aux crises.

• Politique : affirmation d’un positionnement pro-technologique dans un contexte post-conflit, pour moderniser l’image du pays à l’international.

Un choix audacieux, entre vision stratégique et expérimentations

L’Ukraine montre ainsi sa volonté de rompre avec les modèles économiques conventionnels pour intégrer les dynamiques de l’économie numérique. Ce projet de loi ne garantit pas un changement immédiat, mais constitue un signal fort adressé à la communauté internationale, aux investisseurs crypto et aux acteurs de la finance décentralisée.

Alors que les débats parlementaires restent à venir, une chose est sûre : Kyiv prend une longueur d’avance dans la redéfinition de ce que peut être une réserve monétaire au XXIe siècle.