Le dollar décroche à son plus bas en 2 semaines : un avertissement pour les investisseurs

Un changement de cap implicite dans la politique américaine ?

Les marchés interprètent cette baisse comme un signal fort : l’administration Trump pourrait ne plus défendre activement un dollar fort, contrairement à la politique traditionnelle américaine. Des analystes de Bloomberg indiquent que les investisseurs commencent à intégrer l’idée que Washington pourrait tirer avantage d’un affaiblissement du dollar, notamment pour relancer les exportations ou alléger la dette publique.

Ce basculement perçu alimente les spéculations internationales.

Le ministre des Finances japonais, Katsunobu Kato, a annoncé son intention de demander des clarifications au secrétaire américain au Trésor, Scott Bessent, lors du G7. De leur côté, les autorités sud-coréennes ont déjà échangé sur ce sujet avec les États-Unis, preuve que l’inquiétude est partagée en Asie.

Un contexte budgétaire très préoccupant

Parallèlement, le Congrès américain débat d’un programme de baisse d’impôts massif de 4 500 milliards de dollars sur dix ans. Le premier jet de cette réforme entraînerait à lui seul une perte de 3 800 milliards de dollars de recettes fiscales. Combinée à la hausse des dépenses publiques, cette perspective creuse davantage un déficit budgétaire déjà hors de contrôle.

Ce déséquilibre budgétaire a conduit Moody’s à retirer la note AAA des États-Unis la semaine précédente. Cette décision, extrêmement rare, traduit une perte de confiance dans la capacité de l’État fédéral à maîtriser sa dette, désormais aggravée par des charges d’intérêts en forte hausse.

Le marché obligataire a peu réagi, mais les marchés des changes ont immédiatement sanctionné le dollar, qui a reculé face aux dix principales devises du G10.

Une dynamique baissière auto-renforcée sur les marchés financiers

Dans ce climat d’incertitude, les spéculateurs financiers amplifient la tendance. Les positions short (pariant sur une baisse du dollar) atteignent 16,5 milliards de dollars selon les données de la Commodity Futures Trading Commission, soit l’une des postures baissières les plus agressives depuis septembre 2024.

À titre de comparaison, ces mêmes acteurs détenaient 31 milliards de dollars de positions longues (à la hausse) il y a à peine cinq mois. Ce renversement brutal reflète une perte de confiance massive dans la politique économique américaine, notamment en raison de l’imprévisibilité des décisions commerciales, comme les allers-retours tarifaires de Trump.

Même l'annonce d'une trêve commerciale entre les États-Unis et la Chine début mai n’a pas réussi à inverser la tendance : le dollar continue de s'effriter.

Les indicateurs techniques confirment le pessimisme généralisé

L’indice Bloomberg Dollar Spot, outil de référence pour mesurer la force du dollar, enregistre une baisse cumulée de plus de 6 % depuis janvier 2025, son plus mauvais début d’année depuis sa création il y a près de 20 ans.

Le marché des options confirme cette pression : les "risk reversals" à un an (écart entre les options de vente et d’achat sur le dollar) sont tombés à -28 points de base, un record absolu depuis le début du suivi en 2011. Ce niveau est plus bas que celui enregistré au pic de la crise du Covid-19 en 2020, ce qui témoigne d’un niveau de défiance historique.

Les investisseurs internationaux commencent à se détourner des actifs américains

Selon Moh Siong Sim, stratégiste FX à la Bank of Singapore, la combinaison de déficits jumeaux (budgétaire et commercial) et d’un environnement fiscal incertain incite les investisseurs étrangers à réduire leur exposition aux actifs américains.

En clair, ceux qui finançaient auparavant la dette publique américaine commencent à se retirer progressivement, ce qui renforce la spirale baissière du dollar. Ce retrait pourrait à moyen terme affaiblir la position du dollar comme monnaie de réserve mondiale si la tendance venait à se prolonger.

L’avenir du dollar reste suspendu à la discipline budgétaire de Washington

Certains analystes, plus optimistes, pensent que la Réserve fédérale, en maintenant une approche prudente sans modifier trop rapidement ses taux, pourrait soutenir les rendements des obligations américaines, ce qui donnerait un peu d’air au dollar.

Mais ces mêmes analystes reconnaissent que cela ne suffira pas si le gouvernement américain ne réagit pas rapidement en engageant une politique budgétaire responsable. Le risque est clair : l’érosion de la confiance pourrait s’ancrer durablement, et avec elle, une instabilité prolongée sur les marchés.

La chute du dollar observée en mai 2025 n’est pas un simple ajustement de marché. Elle reflète un enchevêtrement de signaux inquiétants : imprévisibilité politique, creusement du déficit, rétrogradation de la dette et désengagement progressif des investisseurs internationaux. Si cette dynamique se poursuit, elle pourrait redistribuer les cartes à l’échelle mondiale, tant pour les devises que pour les actifs alternatifs comme les cryptomonnaies.