Le Sénat américain adopte le GENIUS Act : quel changement pour les investisseurs crypto ?

Pourquoi le GENIUS Act change la donne ?

Depuis des années, le secteur crypto américain évolue dans une zone grise réglementaire, avec des agences comme la SEC ou la CFTC se disputant la supervision des actifs numériques. Le GENIUS Act constitue le premier cadre légal national exclusivement dédié aux stablecoins utilisés pour les paiements.

Ce texte structure enfin les obligations légales des émetteurs et pose les fondations d’un marché stable, surveillé, mais toujours innovant.

Qu’est-ce qu’un stablecoin ?

Un stablecoin est une cryptomonnaie adossée à un actif stable, le plus souvent le dollar américain (USD). Exemples connus : USDT (Tether), USDC (Circle) ou encore DAI. Ils permettent :

• D’éviter la volatilité des cryptos classiques.

• D’effectuer des paiements instantanés.

• De transférer des fonds à l’échelle mondiale sans intermédiaire bancaire.

Mais sans règles précises, ces actifs pouvaient présenter des risques systémiques en cas de mauvaise gestion ou d’opacité sur les réserves.

Les grandes lignes du GENIUS Act

Le texte propose un encadrement en quatre piliers structurants :

1. Adossement obligatoire aux dollars ou équivalents liquides

Les émetteurs devront prouver que chaque token est garanti par :

• Des réserves en USD, en bons du Trésor ou en liquidités équivalentes.

• Une transparence totale sur la nature et la quantité de ces réserves.

Objectif : éviter les paniques similaires à l'effondrement de TerraUSD (UST) en 2022.

2. Audit annuel obligatoire pour les grands émetteurs

Les entreprises émettant des stablecoins représentant plus de 50 milliards de dollars de capitalisation devront :

• Soumettre leurs comptes à un audit externe annuel.

• Publier des rapports réguliers pour les investisseurs et les autorités.

Cette mesure cible des géants comme Tether ou Circle, souvent critiqués pour leur manque de transparence.

3. Statut de super-créancier pour les détenteurs

En cas de faillite d’un émetteur, les détenteurs de stablecoins obtiendront un rang prioritaire dans la récupération des fonds. Cela :

• Protège les utilisateurs finaux.

• Renforce la confiance dans le système.

• Reflète l'importance systémique des stablecoins dans les échanges.

4. Exigences pour les entités étrangères et les Big Tech

Les émetteurs étrangers devront se conformer aux mêmes standards que les entreprises américaines.

Les grandes entreprises publiques comme Meta ou Amazon, si elles veulent lancer leur propre stablecoin, devront démontrer :

• Une gestion des risques financiers conforme aux normes bancaires.

• Une protection stricte des données utilisateurs.

Contexte politique et tensions d’influence

Le débat sur les stablecoins a révélé de fortes tensions entre banques traditionnelles, Big Tech et élus. Le GENIUS Act a été perçu comme un compromis entre :

• Les lobbies bancaires, opposés à l’émission de monnaie numérique par des acteurs non régulés.

• Les entreprises technologiques, prêtes à disrupter les paiements.

• Les milieux politiques, soucieux de garder la main sur la politique monétaire.

L’ombre de Trump

Un élément surprenant du dossier : la participation indirecte de World Liberty Financial, une entreprise liée à Donald Trump, qui prépare son propre projet financier. Ce lien soulève des questions éthiques.

Trump, candidat à la présidentielle 2024, a publiquement soutenu le GENIUS Act, ce qui pourrait accélérer sa validation par la Chambre des représentants avant l’été.

Et maintenant ?

Le texte doit encore être harmonisé avec un projet parallèle déjà validé en commission à la Chambre. Trois scénarios sont possibles :

1. Adoption directe du GENIUS Act par la Chambre.

2. Fusion avec le projet existant pour former une loi unique.

3. Blocage politique si les divergences sont trop fortes.

Quelles conséquences pour les projets crypto ?

Les émetteurs devront s’adapter rapidement. Cela aura plusieurs effets :

• Les projets sérieux gagneront en crédibilité.

• Les émetteurs off-shore ou peu transparents seront exclus du marché US.

• Le secteur pourrait connaître une recentralisation autour d’acteurs conformes, comme Circle.

Les développeurs devront intégrer ces règles dans leur architecture produit, notamment pour les stablecoins algorithmiques, qui sont hors-jeu si non adossés à des actifs réels.